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littérature fantastique & merveilleuse - Page 2

  • La Ville engloutie 17 (Le petit Chaperon II)

    Amsterdam 2.jpgAmsterdam ! Le vaisseau du Hollandais volant touchait enfin les rivages de son pays natal ! L'équipage, accoudé au bastingage se recueillait  silencieux derrière le Capitaine, contemplant  les quais de la ville  tant désirée. Des centaines de canaux sérpantaient à travers les bâtiments et s'entortillaient autour des rues étroites et arborées. Autour de la gare centrale une foule affairée allait et venait. Des bicyclettes faisaient tinter leurs sonnettes, les terrasses des cafés étaient pleines de monde, des mouettes poussaient des cris stridents comme des paroles de bienvenue.

    - Je hâte de visiter la ville ! dit Phyllis le petit Chaperon rouge. Tout semble si beau ! Viens Platon, Océane ! Soyons les premiers à descendre.

    - Pas si vite jeune fille ! la retint le Capitaine qui malgré son émotion gardait la tête froide. Ne nous précipitons pas à terre sans d'abord nous assurer que nous ne courons aucun danger.

    - Quel danger peut-il y avoir ? Nous sommes arrivés au bout de notre voyage !

    - Le Capitaine a raison, Phyllis, dit le Cracheur de feu. Il ne faut pas nous précipiter et risquer de tomber dans un piège. Après tout, nous ne savons pas ce qui est devenue la Sirène des mers !

    - Elle  nous aurait  suivi ?

    - Qui sait ? Il vaux mieux être précautionneux. Et d'abord, il faut que nous apportions le paquet qu'on nous a confié à destination.

    Phyllis fut obligée de reconnaître qu'il fallait attendre. Ainsi le Capitaine s'occupa des formalités portuaires, descendit en ville pour se procurer ce dont ils auraient besoin et revint quelques heures après. Il donna quartier libre à l'équipage mais laissa quelques hommes à bord pour surveiller le navire. Ceci fait, il réunit ses compagnons pour leur expliquer ce qu'ils allaient faire par la suite et tous ensemble ils partirent à la recherche du destinataire de la bourse.

    Ils empruntèrent les rues de la ville et ne tardèrent pas à se trouver devant une porte rouge. Un majordome vint leur ouvrir lorsqu'ils frappèrent et on les pria d'attendre qu'on les reçût. Puis, le majordome les conduisit dans un salon coquet et confortable où assise devant la fênêtre, une dame les attendait. Elle les invita à s'asseoir et commanda du thé.

    - Vous avez exprimé le désir de me rencontrer. De quoi s'agit-il ?

    - Nous avons un paquet pour vous, Madame, répondit le Capitaine. Mais avant, nous devons vous remettre en mains propres  cette lettre.

    Il tira de la poche de sa veste la lettre du vieil homme et la lui tendit. La femme regarda stupéfaite l'enveloppe, la tournant entre ses doigts fins et délicats. Elle sembla hésiter.

    - Qui vous a confié cette lettre ? finit-elle par dire.

    - Notre navire a échoué au cours d'une tempête au large de la Cornouaille il y a quelques jours. Il a fallu réparer les dégats et nous avons pu trouver secours sur le littoral...

    - N'en dites pas davantage ! l'interrompit leur hôtesse. Permettez-moi de lire cette missive.

    D'une main tremblante et brisa le sceau qui maintenait les pages fermées et les approcha de la fenêtre de profiter de la lumière du jour pour la lire. Elle parcourut rapidement les feuillets à plusieurs reprises comme si elle avait de la peine de croire ce qu'elle lisait.

    - Monsieur, puis-je voir le paquet qui accompagne cette lettre ?

    Le Capitaine se leva, sortit la bourse de sa poche, la déposa sur un guéridon près de la femme et regagna sa place sans un mot. Elle prit la bourse, l'ouvrit et sortit devant les yeux émerveillés de l'assistance un magnifique médaillon sculpté dans de l'or massif pendu à une chaîne. Elle l'examina attentivement et d'une légère pression, elle l'ouvrit, tirant de l'intérieur une tresse où s'entremêlaient des cheveux noirs et or.A la vue de cela, la femme fut émue aux larmes.

    - Je ne sais pas qui vous êtes, monsieur. Mais en m'apportant ce médaillon, vous me restituez une partie de mon passé ! Je ne pensais pas vivre assez longtemps pour profiter d'un instant aussi privilégié. J'aurais une faveur à vous demander. Vous pouvez refuser. Mais si vous acceptez, je vous garantis que vous ne le regretteriez pas.

    - Je vous écoute, madame. répondit le Capitaine.

    L'inconnue se leva de son siège et fit quelques pas vers le Hollandais.

    - Accepteriez-vous de me conduire vers l'homme qui vous a confié ce message pour moi ? demanda-t-elle.

    Tout le monde retint son souffle. Le Capitaine était aussi étonné que les autres. Il parut réflechir un moment et malgré les protestations qu'il lut dans le regard de ses compagnons,  il dit.

    - Si tel est votre souhait, Madame, je me ferai un plaisir de vous y conduire.

    Ainsi, à peine quelques jours après son arrivé à Amsterdam, le navire du Hollandais volant reprenait la mer pour Ker Is, avec à son bord une nouvelle passagère.

     

     

  • La Ville engloutie 16 (Le petit Chaperon II)

    Fanome.jpgLe vent gonflait les voiles du grand vaisseau et la mer écumeuse se fendait en deux sur son passage. L'équipage occupait son poste habituel et le Capitaine prit un moment pour souffler et discuter avec ses amis qui profitaient du beau soleil assis sur le pont. Phyllis, le petit chaperon rouge se contemplait dans le miroir enchanté que le Capitaine lui avait offert ; Océane, l'enfant de la Haute-mer lisait un recueil de poésies et le Pêcheur était en train de sculpter une pipe dans un morceau d'écume de mer qu'il s'était procuré en ville. Le Cracheur de feu comme à son habitude s'essayait à de nouveaux tours de magie et Platon l'agneau le secondait dans ses activités.

    Phyllis  rangea son miroir enchanté et s'approcha du Hollandais volant ? Elle mit sa minuscule main blanche dans celle de l'homme et lui sourit.

    - Quand est-ce que nous arrivons à Amsterdam ?

    Le Capitaine lui sourit en retour et de sa main libre caressa les cheveux blonds de la fillette.

    - Dans deux ou trois jours, si le vent se maintient.

    - Cela fait longtemps que vous n'êtes pas retourné ?

    - Un certaine temps, oui.

    Et comme pour lui-même, il ajouta : "Je me demande si je reconnaîtrais les lieux..."

    En entendant cette réflexion, Phyllis s'étonna.

    - Comment pourriez-vous ne pas reconnaître votre ville natale ! Je suis certaine que si je rentrais chez moi, je reconnaîtrais tout et tout le monde !

    Le Capitaine sourit tristement.

    - Vous êtes triste ! Pourquoi ? Vous n'êtes pas heureux de retourner à la maison ?

    - Cela fait si longtemps que je suis absent, que je doute de trouver quiconque de mes connaissances encore vivant.  La ville, le pays entier ont du changer ! Je suis seul à rester depuis au jour de mon départ !

    - Quel étrange discours ! A mon avis vous ne devriez pas vous en inquiéter. Vous verrez, tout ira bien.

    Le Hollandais regarda avec tendresse la petite fille. Tant de choses avaient changé depuis que cette enfant était entrée dans sa vie ! Des  événements extraordinaires s'étaient produites. Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Il lui semblait que Phyllis avait modifié le destin ! A cette pensée, le Capitaine, poussé par une envie irrésistible, se pencha et déposa, reconnaissant, un baiser sur le front du petit Chaperon rouge.

    - Si  je pouvais avoir un enfant un jour, j'aimerais que ce soit toi, Phyllis ! dit-il d'une voix qui tremblait d'émotion.

    Touchée de cet aveu, Phyllis se tut. Elle comprenait l'émotion de son ami. Parfois, elle aussi, elle aurait aimé que le Hollandais fût le père qu'elle n'avait jamais connu. Ils restèrent ainsi silencieux, se tenant la main, regardant les eaux profondes de la mer du Nord. Un moment s'écoula avant que la petite fille ne se décidât à parler.

    - Capitaine, vous ne voulez pas savoir ce que contient la bourse  que le vieil homme vous a confié ?

    - Je préfère ne pas le savoir, Phyllis. D'ailleurs, j'ai donné ma parole. Personne ne doit ouvrir la bourse excepté celle à qui elle est destinée.

    - Oh ! je ne veux pas que vous l'ouvriez ! s'empressa de préciser le petit Chaperon. Mais je pensais qu'il pouvait s'agir d'un nouveau piège de la Sirène des mers. Je la soupçonne d'être mêlée à tout ça !

    - Eh bien, moi aussi je l'ai pensé. Mais j'ai mes raisons de croire que cette fois-ci, la Sirène des mers nous laissera tranquilles pour un moment.

    En attendant cela, le Pêcheur qui assistait à la conversation depuis sa place sans oser intervenir auparavant, se permit de questionner.

    - Comment pouvez-vous en être sûr, Capitaine ? La Sirèene s'est montrée très ingénieuse. Si par malheur le vieil homme est son complice, nous devons nous attendre à des problèmes.

    - Il est hors de questions que nous ouvrions la bourse ! Nous irons à l'adresse indiquée sur la lettre et nous remettrons l'objet à qui de droit, répliqua fermement le Hollandais.

    - Capitaine, nous sommes d'accord avec vous. Mais ne pourrions-nous pas jeter un coup d'oeil à cette lettre ? Histoire de regarder l'adresse ?

    Tous acquiescèrent à cette proposition. Trouvant cela raisonnable, le Capitaine fut d'accord et sortit la lettre de la poche de sa veste et l'examina. Il s'agissait d'une enveloppe en papier grossier, jaunâtre comme du parchemin. Aucune indication n'apparaissait à l'extérieur. D'un geste vif, le Hollandais déchira l'enveloppe et l'ouvrit. Un petit message tomba sur le plancher qu'Océane récupera et tendit au Capitaine. Il était protégé par un sceau de cire rouge et au dos, d'une écriture pâlie par les ans, on pouvait lire une adresse à Amsterdam. Il indiquait une petite impasse près d'Oude-Zijds Voorburgwal.

    - Je crois savoir où se trouve cette impasse, précisa le Capitaine. Amsterdam n'a pas dû changé tant que cela après tout !

    - Je hâte d'y être ! dit Phyllis.

    La journée passa très vite. Le soir venu, Océane écoutait Phyllis faire des conjectures sur la ville d'Amsterdam et ce qu'ils allaient trouvé lorsqu'ils arriveraient. L'impatience de Phyllis rendait Océane nerveuse.Elle hésita avant de se confier à son amie.

    - De quoi as-tu peur ?

    - A Amsterdam nous allons quitter le navire, nous partirons à la découverte de l'Europe, n'est-ce pas ?

    - Sans doute ! Nous réaliserons nos projets. Tu sais que le Cracheur de feu  a tout organisé : nous aurons une roulotte comme celles qu'on a vu sur  Ker Is. Nous découvrirons les plus grandes capitales d'Europe !

    Son amie la regarda avec tristesse.

    - Phyllis ! Nous devrions quitter le navire !

    - C'est normal, non ? Si nous voulons parcourir l'Europe.

    - Réfléchis ! Quitter le navire signifie que nous n'allons plus revoir le Capitaine ! Il n'a jamais était question qu'ils nous accompagne dans nos périples !

    A cette affirmation, l'enthousiasme de Phyllis retomba comme un ballon qu'on dégonfle.

    - Tu as raison ! Je n'avais pas envisager les choses de cette manière...

    - Voilà ce qui me fait peur. Qu'allons nous faire sans lui ? Comment ferons nous si un danger se présente ? Non pas que je n'ai pas confiance au Cracheur de feu, s'empressa-t-elle à ajouter, mais le Capitaine a su nous sortir des pires situations. Il dirige tout avec beaucoup d'intelligence et de sensibilité, il nous protège et s'occupe de nous !  Un peu comme... un père le ferait.

    - Oui, convint le petit Chaperon rouge. Mais tu ne dois pas t'en faire. Il suffit que nous lui demandions de nous accompagner ! Il viendrait avec nous, qu'est-ce que t'en penses ? Dès demain nous lui en parlerons. Nous verrons bien ce qu'il va nous dire. Dormons à présent.

    Phyllis et Platon ne tardèrent pas à s'endormir  profondément. Océane resta éveillée à réfléchir jusqu'au petit matin où enfin,épuisée elle se laissa aller dans les bras de Morphée.

  • La ville engloutie 15 (Le Petit Chaperon II)

    gorgone3.jpg

    - Il y a de part le monde, mes enfants,  certaines personnes qui éprouvent du plaisir à  détruire la vie des autres.  Leur seule satisfaction consiste à faire souffrir les autres. Elles sont égoistes et orgueilleuses et souvent elles sousestiment leurs adversaires. Mais il existe toujours  d'autres  personnes capables de   bouleverser les plans machiavéliques des premières. Ainsi la Sirène des mers pensait anéantir le Hollandais volant, ses amis et son équipage en abusant de ses pouvoirs maléfiques. Elle n'avait pas envisagé qu'une vielle connaissance surgirait sur son chemin pour bouleverser ses projets ignobles.

    - Dis, grand'père, tu nous raconte l'histoire de la Gorgone ? demandèrent les enfants-vers du mûrier au conteur lorsqu'il fit une pose pour se désaltérer.

    Le vieux Bombyx  considéra son auditoire avec circonspection.

    - Peut-être une autre fois. Pour le moment nous devons poursuivre les aventures du petit Chaperon rouge et de ses amis avant d'envisager un autre récit.

    - Mais nous voulons savoir si la Gorgone va s'en sortir ! Va-t-elle retrouver la Sirène des mers ? Que s'est-il passé entre elles ? Pourquoi la Gorgone veux se venger ?

    - Pas si vite ! Chaque chose en son temps ! Poursuivons. Laissons la Gorgone panser ses plaies et retournons dans les profondeurs de l'Océan, là où la Sirène des mers a trouvé refuge. L'attaque de la Gorgone l'avait épuisée. Elle subissait le contre coup du choc de voir son ennemie en vie alors qu'elle la croyait morte. Elle s'allongea sur sa couche d'algues et ne tarda pas à s'endormir.

    A plusieurs lieues au-dessus de l'endroit où reposait la Sirène des mers, le soleil brillait ce jour-là chaleureux et bienveillant, une brise parfumée caressait la surface de l'eau, le ciel se parait d'un bleu éclatant et nos personnages décidèrent de mettre les voiles vers les côtes hollandaises. L'équipage s'activa avec ardeur, des rires et des chants accompagnaient les manoeuvres et Phyllis le petit Chaperon rouge s'installa avec Océane et Platon l'agneau sur le pont du navire afin de profiter de cette belle journée et du départ. Accoudée au bastingage elle contemplait le littoral lorsqu'elle aperçut au loin une barque qui se dirigeait vers eux.

    - Regarde, Océane ! On dirait que quelqu'un cherche à nous rejoindre ! Il faudrait prévenir le Capitaine.

    - Tu as raison. Allons vite le voir.

    Aussitôt, elles partirent à la recherche du Capitaine et peu de temps après, ils accueillait sur le navire un petit personnage porteur d'un message pour le Capitaine.

    - Il faut que j'aille à terre  le plus tôt possible ! Nous annulons notre départ jusqu'à nouvel ordre.

    Sur ce, sans autre précision, le Capitaine demanda à deux de ses hommes de l'accompagner et il monta dans la barque.

    - C'est peut-être dangereux, Capitaine. Ça pourrait être un piège,  dit Phyllis. Ne partez pas sans nous ! J'aimerai tant vous accompagner.

    - Phyllis a raison, nous venons avec vous. intervint le Cracheur de feu. Nous prendrons un des canots du navire.

    - D'accord. Laissons le messager retourner à terre et allons-y de notre côté.

    Sans plus attendre, le Capitaine donna ses instructions et quelque temps après, un canot avec nos amis à son bord, se dirigeait à nouveau vers le littoral. Au port, ils suivirent le messager et s'enfoncèrent dans le coeur de la ville jusqu'à un grand bâtiment qui dominait les autres. A l'entrée ils durent décliner leur identité et un homme en uniforme coloré les conduisit jusqu'à une pièce aux plafonds hauts qui semblait être une salle de réception officielle. Assis à un fauteuil au fond de la pièce et entouré de deux gardes, se tenait un vieil homme. Dès leur entrée, il fit signe au Capitaine et à ses compagnons d'approcher.

    - J'ai appris que vous avez réparé votre vaisseau et vous vous apprêtez à reprendre la mer, dit-il. Je sais qui vous êtes et je sais où vous voulez aller.

    - Nous n'avons pas la même chance, répondit le Capitaine.

    - Peu importe qui je suis. l'essentiel est que rien ne se passe dans ce pays sans que je le sache, dit l'homme. Je vous ai appelé ici parce que j'ai une requête à vous faire.

    - Je vous écoute.

    - Vous songez aller en Hollande, n'est-ce pas ? Je voudrais vous confier une mission pour moi.

    - Une mission ? De quel genre ?

    - Il s'agit d'une commission plus exactement.

    Le vieil homme fit un signe à un des gardes qui s'éclipsa quelques instants et revint en tenant un petit coffre semblant très ancien assez lourd. Il le posa aux pieds de l'homme. Ce dernier se leva péniblement de son siège, se pencha avec une certaine difficulté, tira de sa ceinture une clef et ouvrit avec précaution l'antique couvercle. Puis, il prit un objet au fond du coffre et ferma à nouveau le couvercle. Se levant, il tendit une petite bourse au Capitaine.

    - Lorsque vous serez à Amsterdam, je veux que vous alliez à l'adresse que j'ai noté sur ce message, dit-il en donnant une lettre scellée à son interlocuteur. Une fois là-bas, donnez cette bourse à la personne qui y habite. Acceptez-vous ?

    - Cela me semble possible, répondit le Capitaine. Si nous arrivons sains et saufs jusqu'en Hollande, je le ferai.

    - Je vous en remércie. Cependant, prenez garde que personne n'ouvre la bourse avant d'arriver à Amsterdam.

    - J'y veillerai.

    - Bonne route alors, Hollandais ! Que les vents te soient favorables !

    Le vieil homme se tourna et disparut derrière une porte laissant le Capitaine regagner son vaisseau avec ses amis.

    Bientôt, le vaisseau, tel un oiseau qui déploie ses ailes, il hissait ses voiles vers les côtes hollandaises.

     

  • La Ville engloutie 14 (Le petit Chaperon II)

    Gorgone.jpgLe rire de Gorgone - car c'était elle- glaça le sang de la Sirène des mers. Son esprit  chercha fièvreusement à comprendre ce qu'il entendait, ce qu'il voyait.  Elle réflechit vite. Il fallait sortir rapidement de cette pièce, partir de cette cour, retourner vers la mer et les profondeurs accueillantes de l'océan. Comment avait-elle pu tomber dans ce piège ? Comment n'avait-elle pas envisager qu'un danger pouvait surgir  dans cette ville ? Elle n'avait perçu aucune menace. Aucune prémonition, aucun signe.

    Pour la première fois depuis des siècles et le début de cette aventure, la Sirène des mers se sentit vulnérable. Elle mesura les risques de poursuivre ce qu'elle avait entrepris. En se lançant à la poursuite du Hollandais volant, elle s'était exposée elle-même à des dangers qu'elle ne pouvait pas prévoir, ni affronter sans risques.  Plongée dans ses pensées, la Sirène ne vit pas la Gorgone se hisser sur son corps difforme et ramper vers elle. Elle recula d'un pas, fermant les yeux, lorsque le visage hideux et puant de la créature obscure s'approcha du sien. La voix sifflante se fit basse, trompeusement carressante.

    - Tu as peur petite soeur, peur de regarder en face les ravages de ton oeuvre !

    - Je... n'ai pas... peur de toi ! parvint à murmurer d'une voix blanche la Sirène.

    A nouveau le rire horrible de la Gorgone résonna autour d'elles.

    - MENTEUSE ! Ton corps tout entier transpire ta peur ! Ton coeur bât à se rompre comme celui d'un lapin qu'on égorge !  Ta misérable existance ne tient qu'à un fil ! Tu as peur pour ce que je vais te faire ! Tu es terrifiée à l'idée de ma vengeance !

    La Sirène des mers ne répondit pas. Elle gardait les yeux fermés, mais elle pouvait sentir l'haleine fédite de sa soeur lui lécher le visage. Chaque souffle lui brûlait la peau, chaque mot lui donnait la nausée. C'en devenait insoutenable. Pourtant, la Sirène ne bronchait pas. Elle laissait parler la Gorgone tout en  cherchant un moyen de se glisser hors de la pièce. Elle calcula la distance qui la séparait de l'ouverture, le nombre de pas qu'il lui faudrait accomplir pour traverser la cour jusqu'à l'allée, puis vers les rues fréquentées de la ville jusqu'au port. Pour gagner du temps, il fallait tromper son ennemie, endormir ses soupçons, lui laisser croire qu'elle avait l'avantage ! "Parle donc, ma soeur chérie, pensa-t-elle. continue  ! Déverse ton venin ! Tu en meurs d'envie ! " Il fallait la pousser à poursuivre coûte que coûte.

    - Je... te croyais morte ! dit-elle enfin.

    - Ha ! tu aurais aimé, n'est-ce pas, que je sois morte ! Tu as oeuvré pour que je le sois !  Toutes ces années où je croupissais dans ce taudis, abandonnée de tous, tu as été seule à profiter librement de mes biens, de mon domaine, de mes pouvoirs. Désormais j'exige ce qui m'appartient de droit !

    - Comment as-tu... survécu ? balbutia la Sirène. Je croyais que Persée*, avait eu raison de toi ! Les rumeurs disaient qu'il t'avait décapité !

    La Gorgone exhala un bruit réptilien qui devait être un rire.

    - Il a presque réussi à m'anéantir ; du moins il l'a cru. Tous l'ont cru. Mais n'oublie pas petite soeur la capacité de régénération de nôtre race. Tel le phoenix renaissant de ses cendres, nous renaissons de notre sang !

    - Et le Hollandais ?

    La Sirène brûlait depuis un moment de savoir de quelle manière le Hollandais volant était parvenu jusqu'à la Gorgone.

    - Hum... Voilà un homme exceptionnel. Intelligent, cultivé ; bel homme de surcroît. Je l'aime beaucoup. Il s'est joué de toi, petite soeur ! Il a déjoué toutes tes machinations. Rien que pour ça, il me plaît.

    - C'est pour te venger de moi que tu l'as aidé ?

    - En partie. Pour d'autres raisons également que je n'ai pas envie de te détailler ici.

    La Gorgone se cambra sur sa queue serpentine et s'approcha un peu plus de la Sirène des mers. Sur son visage s'imprima un rictus de haine horrible et sur sa tête des centaines de serpents faisant office de cheveux se hérissèrent, battant l'air, sifflant et crachant leurs langues vénimeuses prêts à mordre la figure de leur adversaire.

    - Trève de badinage ! siffla la Gorgone. Prépare-toi à payer chèrement les souffrances et les humiliations que j'ai du endurer si longtemps !

    La Sirène des mers, comprit qu'il était venu le moment de s'enfuir, si elle voulait sauver sa vie. D'un geste rapide et décisif, empoigna le manche en ivoire d'un couteau qui pendait à son cou et  le tira de son fourreau. La lame  brilla d'un éclat froid et meurtrier. Sans perdre un instant, profitant de la surprise de sa soeur, la Sirène des mers planta le couteau jusqu'à la garde dans l'oeil gauche de la Gorgone. Laissant là sa victime, elle s'enfuit rapidement, franchit le seuil de la pièce, la cour et,  sans se retourner, sortit dans l'allée. Le hurlement de la Gorgone la poussuivit jusqu'au moment où les eaux de l'Océan se refermèrent sur son sillage.

     

    Persée : Héros de la mythologie grecque vainqueur de la gorgone Méduse dont la seule vue pétrifiait les victimes. Bénéficiant l'aide  d'Athéna, Persée trancha la tête du monstre. De son sang, naquit Pégase, le cheval aillé symbole des poètes.